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COLLOQUE ANNUEL – PENAL FISCAL – UNIVERSITE AIX-EN-PROVENCE/ IDPF2 – TABLE RONDE N°1: OLIVIER NEGRIN – MARC SECONDS – ME JOUINI

23.09.2022 : COLLOQUE ANNUEL - PENAL FISCAL - UNIVERSITE AIX-EN-PROVENCE/ IDPF2 - TABLE RONDE N°1: OLIVIER NEGRIN - MARC SECONDS - ME JOUINI

En droit pénal fiscal, l’information au sens large du terme, tient une place importante.

De longue date, le fisc et l’autorité répressive disposent d’un arsenal législatif pour communiquer entre eux.

Cohabitent ainsi deux droits de communication auprès de l’autorité judiciaire.

Le premier, visé par les dispositions de l’article L.82 C du LPF prévoit qu’à l’occasion de toute instance devant une juridiction criminelle, le ministère public « peut » communiquer tout dossier à l’administration fiscale.

L’exercice de ce droit étant purement facultatif pour le Parquet, le formalisme entre les autorités se veut inexistant créant un scepticisme voire un doute sérieux sur l’origine licite de la pièce exploitée par le fisc.

Le second droit de communication auprès de l’autorité judiciaire est ancien et pourrait même être qualifié de rampant.

Issues de la loi du 4 avril 1926 portant création de nouvelles ressources fiscales, les dispositions visées par l’article 101 du LPF, contraignent l’autorité judiciaire à communiquer au fisc toute indication qu'elle recueille, à l'occasion de toute procédure judiciaire, de nature à faire présumer une fraude commise en matière fiscale ou une manœuvre quelconque ayant eu pour objet ou pour résultat de frauder ou de compromettre un impôt.

Le terme indication mentionné dans l’article 101 du LPF s’entend par la communication non seulement de renseignements mais aussi de documents. Là encore, aucun formalisme n’est à respecter sur les conditions de transmission de ces informations entre les autorités.

A la lecture des articles L.82 C et 101 du LPF, l’approche entre les autorités se voulait coopérative par l’échange de renseignements et de pièces.

Cette coopération de longue date entre le fisc et l’autorité répressive s’est transformée récemment en une approche collaborative dépassant la simple communication matérielle d’informations.

La gestion de l’information étant au cœur de l’enquête pénale et fiscale, la création d’un nouveau métier hybride a vu le jour. Celui d’officier fiscal judiciaire (OFJ), personnage œuvrant dans des procédures dites de « fisc judiciaire ».

L’administration fiscale s’est enfin armée du pouvoir judiciaire en incorporant des OFJ dans toutes ses brigades de contrôle spécialisées tel que par exemple la Brigade nationale de répression de la délinquance fiscale (BNDRF).

Il n’y aura plus de perdition d’information et plus de temps laissé aux fraudeurs pour organiser leur insolvabilité.

L’année 2018 a été un véritable tournant dans l’échange d’informations entre le fisc et l’autorité répressive.

L’implosion du verrou de Bercy par la loi n°2018-898 du 23 octobre 2018 relative à la lutte contre la fraude a mis un véritable coup d’arrêt en termes d’approche coopérative entre l’administration fiscale et l’autorité répressive.

L’échange d’informations existe toujours mais il se veut moins humain, moins personnalisé, mois proportionné.

L’échange d’informations s’est transformé en un mécanisme automatique ou l’appréciation souveraine d’un homme remplace l’expertise, le savoir et l’expérience d’un groupe formant une commission.

L’opportunité des poursuites pour fraude fiscale se fait désormais sur une simple information mentionnant le montant de l’impôt présumé éludé et non plus sur un faisceau d’éléments techniques permettant de vérifier si l’infraction fiscale en question pourrait être considérée d’une extrême gravité.

En ce sens, la CIF remplissait pleinement l’une des réserves du Conseil Constitutionnel au principe de no bis in idem en filtrant les cas les plus graves.

La CIF, vidée de toute substance est une commission qui tombera peu à peu dans l’oubli…

La dualité procédurale dans un dossier pénal fiscal nous interroge…et nous laisse souvent perplexes.

Plus rapide et plus coercitive que la procédure administrative, la procédure pénale qualifie et condamne le fraudeur fiscal.

Cette situation nous amène parfois à des conséquences cruelles pour le contribuable surtout quand le juge de l’impôt décharge, plusieurs années plus tard, pour un motif de fond, les rappels d’impôts visés dans sa proposition de rectification.

Cruel dans le sens où ce même contribuable aura surement vu une saisie pénale s’abattre sur son patrimoine, sur ses biens immobiliers et ce, même s’il ne dispose que de l’usufruit ou encore avoir vu ses contrats d’assurance vie, dont les bénéficiaires sont ses propres enfants, saisies alors qu’il imaginait naïvement qu’ils étaient insaisissables.