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Le professionnel de l’immobilier face au pouvoir de sanctions de la Commission nationale des sanctions (CNS)

20.06.2023 - Le professionnel de l’immobilier face au pouvoir de sanctions de la Commission nationale des sanctions (CNS)

 

La lutte contre le blanchiment d’argent et le financement du terrorisme est devenue prioritaire pour les États membres de l’Union européenne.

Le secteur de l’immobilier étant particulièrement touché par cette forme de criminalité, des mesures préventives ont été adoptées faisant reposer sur les professionnels de l’immobilier de lourdes obligations, trop souvent méconnues par eux.

Codifiées à l’article L. 561-2 8° du Code monétaire et financier, sont soumis aux obligations de lutte contre le blanchiment de capitaux et le financement du terrorisme, les professionnels de l’immobilier, personnes physiques ou morales, qui se livrent à des opérations immobilières sur bien d’autrui tels que l’achat, la vente, la recherche, l'échange, la location ou la sous-location, saisonnière ou non, en nu ou en meublé, d’immeubles bâtis ou non bâtis,

Auxdites opérations susvisées, viennent également s’ajouter la souscription, l'achat, la vente d'actions ou de parts de sociétés immobilières ou de sociétés d'habitat participatif donnant vocation à une attribution de locaux en jouissance ou en propriété ou encore l'achat, la vente ou la location-gérance de fonds de commerce ou de parts sociales non négociables lorsque l'actif social comprend un immeuble ou un fonds de commerce.

En pratique, le strict respect des obligations en matière de lutte contre le blanchiment et le financement du terrorisme par les professionnels de l’immobilier suscite encore de nombreuses difficultés. Ces dernières, pourraient s’expliquer par un nombre important d’obligations à respecter, par la difficulté de les mettre en place dans des petites structures ou encore par un manque de formation et de connaissance des professionnels de l’immobilier.

Les manquements en matière de lutte contre le blanchiment des capitaux et le financement du terrorisme sont sanctionnés par la Commission des sanctions (CNS), autorité administrative indépendante, instituée par la loi auprès du ministre de l'Economie[1] et régiepar les dispositions des articles L.561-38 et suivants et R561-43 et suivants du Code monétaire et financier.

Depuis de nombreuses années déjà, la Commission des sanctions (CNS) a compétence pour sanctionner les intermédiaires immobiliers exerçant les activités mentionnées aux 1°, 2°, 4°, 5°, 8° et 9° de l’article 1er de la loi n° 70-9 du 2 janvier 1970 réglementant les conditions d’exercice des activités relatives à certaines opérations portant sur les immeubles et les fonds de commerce, dite loi « Hoquet ».

L’ordonnance n° 2016- 1635 du 1er décembre 2016[2] et son décret d’application n° 2018-284 du 18 avril 2018, applicable depuis le 1er octobre 2018, qui ont transposé en droit français la quatrième directive européenne du 20 mai 2015[3], ont renforcé́ l’arsenal législatif français en matière de lutte contre le blanchiment des capitaux et le financement du terrorisme.

Ainsi, la Commission des sanctions (CNS) a vu étendre son champ de compétence étendu pour couvrir l’intervention des professionnels de l’immobilier lors de la conclusion de contrats de location sur des biens immobiliers et non plus seulement de vente.

Les syndics de copropriété sont quant à eux sanctionnable par cette même commission depuis la loi n° 2014-366 du 24 mars 2014 pour l’accès au logement et à un urbanisme rénové, dite « loi Alur ».

Son activité en constante augmentation[4], la Commission des sanctions (CNS) est principalement[5] saisie par le ministre de l’économie à la suite d’un rapport établi exclusivement à charge par les agents de la Direction générale de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes (DGCCRF).

Disposant d’un large panel de sanctions administratives, la Commission des sanctions (CNS), prononce des sanctions à l’encontre des mises en cause ayant failli, au moins à l’une de leurs nombreuses obligations en matière lutte contre le blanchiment et le financement du terrorisme (I) et ce, en tenant compte d’éléments communiqués par la DGCCRF et par la défense (II).

 

  • SUR LES NOMBREUSES OBLIGATIONS INCOMBANT AUX PROFESSIONNELS DE L’IMMOBILIER

De toute évidence, le professionnel de l’immobilier est confronté à de nombreux dispositifs légaux en matière de lutte contre le blanchiment de capitaux et le financement du terrorisme, renforçant considérablement ses obligations de contrôle et de suivi.

A la lecture du rapport d’activité 2021 de la Commission des sanctions (CNS), il appert que le professionnel de l’immobilier se voit sanctionner principalement en raison du non-respect dequatre obligations.

Les trois premiers manquements les plus sanctionnés par la Commission des sanctions (CNS) résultent de contrôles insuffisants effectués par le professionnel de l’immobilier auprès du cocontractant et du tiers au mandat initial (A).

La défaillance du professionnel de l’immobilier en matière de formation constitue quant à elle le quatrième manquement le plus sanctionné en pratique par la Commission nationale des sanctions (B).

 

  • Le défaut de contrôle efficient par le professionnel de l’immobilier :

De manière assez étonnante, l’obligation la moins respectée et par conséquent, la plus sanctionnée par la Commission des sanctions (CNS), est celle d’identifier et de vérifier l’identité des clients et des bénéficiaires effectifs, dispositif prévu aux articles L.561-5 et R.561-5 à R.561-11du Code monétaire et financier[6].

Ceci est d’autant plus étonnant car le professionnel de l’immobilier a pour réflexe, de longue date, de demander la pièce d’identité de son mandant et ce, dès la mise en relation[7] permettant ainsi de répondre à son obligation d’identification et de contrôle de l’identité de son client[8].

En pratique, la Commission des sanctions (CNS) sanctionne régulièrement ce manquement car le professionnel de l’immobilier omet d’identifier et de contrôler l’identité du tiers au mandat initial, qu’il soit cédant ou cessionnaire de l’acte[9]

Identifier exactement les parties à la transaction immobilière est un enjeu primordial pour lutter efficacement contre le blanchiment de capitaux et le financement du terrorisme. Ce contrôle se matérialise par des fiches de renseignement complètes et datée dans lesquelles sont mentionnées par exemple les noms et prénoms des parties, les lieux de naissance ainsi que la nature, la date et le lieu de délivrance du document présenté pour l’identification et la vérification de l’identité du client[10]

En présence de personne morale, le professionnel de l’immobilier semble moins à l’aise pour répondre à cette obligation visée aux dispositions de l’article L.561-5 du Code monétaire et financier.

D’une part, le professionnel de l’immobilier doit se faire communiquer l’original ou la copie de toute acte de registre officiel datant de moins de trois mois constatant la dénomination, la forme juridique, l’adresse du siège social et l’identité des associés, dirigeants sociaux mentionnés dans l’article R.123- 54 du code de commerce[11]

D’autre part, le professionnel de l’immobilier doit également vérifier les bénéficiaires effectifs visés par les dispositions de l’article L.561-2-2 du Code monétaire et financier. En pratique, le professionnel de l’immobilier est souvent incapable de pouvoir justifier de ce dernier contrôle[12].

En pratique, les manquements visés à l’article L.561-5 du Code monétaire et financier sont justifiés par le professionnel de l’immobilier par le fait qu’il connaissait suffisamment les parties soit par l’existence d’une relation d’affaire antérieure[13] ou soit d’un lien de proximité[14]  voire de parenté[15].

Cet argument ne pourra exonérer ce professionnel de son obligation légale tout comme celui d’avoir confié cette tache au notaire en charge de la vente[16].

Le second manquement le plus sanctionné par la Commission des sanctions (CNS) est l’obligation de définir et de mettre en place des dispositifs d’identification et d’évaluation des risques en matière de lutte contre le blanchiment de capitaux et le financement du terrorisme visé aux articles L.561-4-1 et L.561-32 du Code monétaire et financer.

Le professionnel de l’immobilier à l’obligation de se doter d’un « process interne » de compliance, formalisé par écrit[17] et personnalisé en fonction de son lieu d’exercice, de la taille de sa structure et de ses activités, de la typologie et de l’origine de sa clientèle, ect….

Il s’agit pour le professionnel de l’immobilier d’identifier les risques de blanchiment et de financement du terrorisme propre à son activité afin d’établir une véritable cartographie des risques, fonctionnelle[18] et adaptée à son activité[19].

Cet outil servira à la fois de grille de lecture pour appréhender le risque à chaque relation commerciale, en l’identifiant et en le graduant sur une échelle de valeur numéraire et d’outil de prise de décision en fonction d’un « scoring » préalablement déterminé.

En pratique cette obligation est peu respectée par le professionnel de l’immobilier pour deux raisons majeures : D’une part, la notion de cartographie des risques est souvent incomprise et donc inexistante lors des contrôles. D’autre part, la Commission des sanctions (CNS) rejette systématiquement tout document portant sur l’’évaluation des risques (scoring), transmis par un réseau ou syndicat dont le professionnel de l’immobilier est membre, ayant un caractère général [20].  

Le troisième manquement le plus régulièrement sanctionné par la Commission des sanctions (CNS) consiste au non-respect de l’obligation de recueillir des informations relatives à l’objet et à la nature de la relation d’affaires et d’exercer une vigilance constante visé par les articles L.561-5-1, L.561-6 et R.561-12 du Code monétaire et financier.

L’assujettissement à cette obligation n’est pas conditionné à l’existence d’un financement par un emprunt. En ce sens, elle doit être réalisée systématiquement par le professionnel de l’immobilier auprès du cessionnaire mais aussi auprès du cédant[21].

Le professionnel de l’immobilier doit donc avoir une démarche proactive en recueillant lui-même[22] des informations suffisantes[23] sur l’origine des fonds et sur la composition du patrimoine de l’acquéreur.

Demandes intrusives, le respect des dispositions des articles L.561-5-1, L.561-6 et R.561-12 du Code monétaire et financier se heurte en réalité à une opposition farouche.

En pratique, les cessionnaires refusent catégoriquement de communiquer un état de leur patrimoine au professionnel de l’immobilier.

Ainsi, le respect strict des articles L.561-5-1, L.561-6 et R.561-12 du Code monétaire et financier s’avère en réalité difficile à mettre en œuvre pour le professionnel de l’immobilier.

Ayant seulement une obligation de moyen, le professionnel de l’immobilier devra conserver la preuve de ses diligences afin de ne pas être sanctionné.

Force est de constater que les obligations de contrôle sont celles qui sont les plus sanctionnées par la Commission nationale des sanctions (CNS). En cela, ces trois obligations visées supra représentent pour chacune d’entre elles, près d’un quart des manquements totaux.

  • Le manquement relatif à l’obligation de formation et de former son personnel

Outre les obligations de contrôle et de surveillance inhérents aux cédants et aux cessionnaires, le professionnel de l’immobilier se voit assujetti à une obligation d’information régulière du personnel et de mise en place de toutes actions de formation utiles prévues aux articles L. 561- 34 du Code monétaire et financier.

L’obligation de formation du personnel s’applique aux salariés d’une société mais également à toutes les personnes concourant à son activité, y compris ses dirigeants[24]. Il en va de même pour les personnes exerçant en tant qu’agent commercial dans le secteur de l’intermédiation immobilière[25].

Le professionnel de l’immobilier devra conserver précieusement les formations qu’il a suivi mais aussi le contenu[26] et la feuille de présence des formations qu’il a animées au sein de ses équipes[27].

Ainsi, la simple adhésion à un syndicat professionnel, qui informe par sa documentation le professionnel quant aux risques de blanchiment des capitaux et de financement du terrorisme liés à son activité, ne permet nullement de satisfaire en l’absence de formation réellement dispensée auprès du personnel et des collaborateurs, aux exigences à cette obligation[28].

Comme le préconise justement la Commission nationale des sanctions (CNS) dans son rapport d’activité 2021, la délivrance et le renouvellement des cartes professionnelles devraient être conditionnées à une obligation de formation préalable en matière de lutte contre le blanchiment et le financement du terrorisme.

A l’inverse de ce qui se pratique actuellement, ces formations devraient être a minima d’une durée de 7 heures et obligatoirement en présentiel pour pouvoir réaliser des simulations avec les stagiaires.

Force est de constater que la formation est la clef pour lutter efficacement contre le blanchiment et le financement du terrorisme. En outre, une formation obligatoire et adaptée aux besoins des professionnels de l’immobilier permettrait d’éviter de voir ces professionnels régulièrement sanctionnés par la Commission nationale des sanctions (CNS).  

Face à la méconnaissance de ces différentes obligations pesant sur les professionnels de l’immobilier, la Commission nationale des sanctions dispose d’un pouvoir de sanction et d’un large panel de mesures susceptibles d’être prononcées à l’encontre desdits professionnels.

 

  • SUR LE POUVOIR DE SANCTIONS DE LA CNS

 La Commission nationale des sanctions (CNS), autorité administrative indépendante, instituée par la loi auprès du ministre de l'Economie[29] et régie par les dispositions des articles L.561-38 et suivants et R561-43 et suivants du Code monétaire et financier permet à la France, conformément à ses engagements européens et internationaux au sein du Groupe d’Action Financière (GAFI), de veiller au respect du dispositif de lutte contre le blanchiment des capitaux et le financement du terrorisme par les professions qui relèvent de sa compétence.

 Par principe, il est prévu que chaque manquement à l’une quelconque des obligations susvisées fait l’objet systématiquement de sanction(s) de la part de la Commission nationale des sanctions (CNS) (A).

Toutefois, la Commission nationale des sanctions (CNS) dispose d’un pouvoir discrétionnaire pour adapter les sanctions suivant les faits et les pièces qui lui sont communiquées par la défense (B).

  1. Le choix d’une sanction administrative suivant les éléments matériels communiquées par la DGCCRF

La Commission nationale des sanctions (CNS) a pour principe de sanctionner tout manquement aux obligations en matière de lutte contre le blanchiment et le financement du terrorisme.

Conformément aux dispositions de l’article L.561-40 du Code monétaire et financier, la Commission nationale des sanctions (CNS) dispose d’un large panel de sanctions administratives.

Ainsi, elle peut prononcer l’une des sanctions administratives suivantes :

1° L'avertissement ;

2° Le blâme ;

3° L'interdiction temporaire d'exercice de l'activité ou d'exercice de responsabilités dirigeantes au sein d'une personne morale exerçant cette activité pour une durée n'excédant pas cinq ans ;

4° Le retrait d'agrément ou de la carte professionnelle.

La sanction prévue au 3° peut être assortie du sursis. Si, dans le délai de cinq ans à compter du prononcé de la sanction, la personne sanctionnée commet une infraction ou une faute entraînant le prononcé d'une nouvelle sanction, celle-ci entraîne, sauf décision motivée, l'exécution de la première sanction sans confusion possible avec la seconde.

La commission peut prononcer, soit à la place, soit en sus de ces sanctions, une sanction pécuniaire dont le montant ne peut être supérieur à cinq millions d'euros ou, lorsque l'avantage retiré du manquement peut être déterminé, au double de ce dernier. Les sommes sont recouvrées par le Trésor public.

En cas de manquement par une personne mentionnée à l'article L. 561-37 à tout ou partie des obligations lui incombant en vertu du présent titre, la Commission nationale des sanctions peut également sanctionner les dirigeants de cette personne ainsi que les autres personnes physiques salariées, préposées, ou agissant pour le compte de cette personne, du fait de leur implication personnelle dans ces manquements. ».

A l’issue d’une procédure contradictoire[30], la Commission nationale des sanctions (CNS) prononcera la ou les sanctions administratives à l’encontre du professionnel de l’immobilier et de sa structure en fonction des éléments matériels qui lui auront été communiqués par la DGCCRF.

Préalablement à l’audience, la Commission nationale des sanctions (CNS) a disposé des pièces de procédure relatives au contrôle sur place effectué par les agents de la DGCCRF et plus particulièrement de leur questionnaire évaluant le degré de connaissance du mise en cause et du procès-verbal venant « graver dans le marbre » les manquements du professionnel de l’immobilier qui aura apposer naïvement sa signature sur ce document.

De toute évidence, ces deux pièces posent de réelles difficultés procédurales. Premièrement, il ressort de nombreuses auditions devant la Commission nationale des sanctions (CNS) que les agents de la DGCCRF rédigent les réponses à la place du contrôlé. Deuxièmement, ces deux pièces ne font aucune référence au fait que les réponses du questionnaire ou le contenu du procès-verbal pourraient faire l’objet d’éventuelles sanctions devant la Commission nationale des sanctions (CNS).

C’est ainsi, que les professionnels de l’immobilier répondent naïvement au questionnaire pré-rédigé de la DGCCRF ou signent sans relire le procès-verbal du contrôle et ce, en méconnaissance des sanctions possibles.

Cette situation conduit à s’interroger d’une part, sur les pouvoirs exorbitants des agents de la DCCRF lors d’un contrôle et d’autre part, sur le respect du principe des droits de la défense garanti par l’article 6 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales lors du contrôle[31].

A ce jour, la Commission nationale des sanctions (CNS) se refuse encore de statuer sur ces graves manquements procéduraux de la part des agents de la DGCCRF. Cette situation amènera donc le professionnel de l’immobilier à envisager un recours de pleine juridiction devant le tribunal administratif pour faire valoir ses droits conformément aux dispositions de l’article L561-43 du Code monétaire et financier.

Enfin, la Commission nationale des sanctions (CNS) peut décider, en sus, de faire publier, aux frais de la personne sanctionnée, les sanctions qu’elle inflige[32]. De manière quasi-systématique, la Commission nationale des sanctions (CNS) prononce une publication des sanctions en cachant le nom des personnes sanctionnées. Cette pratique devrait évoluer en application de l’ordonnance du 1er décembre 2016 et du décret d’application du 18 avril 2018 prévoyant que le principe est désormais la publication nominative, sauf exception décidée par la Commission nationale des sanctions (CNS).

Au titre de l’année 2021, une seule publication nominative a été prononcée par la Commission nationale des sanctions (CNS).

  1. L’adaptation de la sanction au regard des faits et des pièces communiquées par la défense.

Comme évoqué supra, la Commission nationale des sanctions (CNS) arrête et prononce une sanction ou plusieurs sanctions en fonction des d’éléments matériels qui lui ont été communiqués préalablement par les agents de la DGCCRF.

Procédure contradictoire et écrite, le mise en cause aura la possibilité de se défendre en apportant tout élément de preuve à sa décharge.

La Commission nationale des sanctions (CNS) dispose ainsi d’un pouvoir souverain d’appréciation afin d’adapter la sanction au regard de la situation et des pièces communiquées par la défense.

En application de l’article L.561-40 du Code monétaire et financier, la détermination de la sanction et de son quantum dépendra de la gravité et de la durée des manquements, du degré de responsabilité de l’auteur des manquements, de sa situation financière, de l'importance des gains qu'il a obtenus ou des pertes qu'il a évitées, de son degré de coopération lors du contrôle et de la procédure devant la Commission nationale des sanctions (CNS) ainsi que des manquements qu'il a précédemment commis[33].

Toutefois, la sanction qui sera in fine retenue par la Commission nationale des sanctions (CNS) tiendra compte des mesures correctives prises par le mise en cause post contrôle[34]. Ainsi, la Commission nationale des sanctions (CNS) attend des professionnels de l’immobliier une réaction immédiate de mise en conformité[35] et ce, avant même l’obligation de se présenter à son audience.

Enfin, l’exigence de proportionnalité de la sanction prononcée par la Commission nationale des sanctions (CNS) impose que cette dernière tienne compte de l’assise financière de la société et des revenus de son dirigeant[36]. En pratique, la Commission nationale des sanctions (CNS) est attentive à ce principe de proportionnalité et n’hésite pas à réduire les sanctions pécuniaires requises par le rapporteur public en fonction des ressources actuelles des mises en cause.

Force est de constater que la Commission nationale des sanctions (CNS) tient à la fois compte des pièces qui lui sont communiquées par la DGCCRF et de celles communiquées par la défense pour arrêter une juste sanction. Toutefois, il est regrettable que l’interdiction temporaire d’exercice de l’activité soit une sanction trop souvent prononcée (38,28% en 2021) par la Commission des sanctions (CNS) alors que le blâme ne représente que 6,25% des sanctions en 2021.

La lutte contre le blanchiment et le financement du terrorisme est un enjeu majeur pour la France mais aussi pour l’économie mondiale. Le secteur de l’immobilier étant particulièrement concerné par cette forme de criminalité, son enreillement par un contrôle accru et systématique des professionnels de l’immobilier n’aboutira que par la formation de ces derniers. La pratique démontre que les obligations qui leur incombent sont encore trop méconnues, alors même que les contrôles aboutissant systématiquement à des sanctions sont effectués quotidiennement. Cette inadéquation démontre une certaine urgence à agir tant pour les pouvoirs publics que par les syndicats professionnels de l’immobilier.

A l’image de ce qui a été fait pour la matière fiscale[37], le législateur pourrait accorder un droit à l’erreur aux professionnels, de bonne foi, qui sont soumis à ces obligations de lutte contre le blanchiment et le financement du terrorisme. Cette garantie légale permettrait d’une part, de réduire substantiellement les dossiers devant la Commission nationale des sanctions (CNS) et d’autre part, d’améliorer sensiblement le dialogue entre les agents de la DGCCRF et les professionnels de l’immobilier.

__________________________

[1] L.561-38 du Code monétaire et financier.

[2] Ordonnance n°2016-1635 du 1er décembre 2016 renforcant le dispositif francais de lutte contre le blanchiement et le financement du terrorisme, JORF n°0280 du 2 décembre 2016.

[3] Directive (UE) 2015/849 du Parlement Européen et du Conseil du 20 mai 2015 relative à la prévention de l'utilisation du système financier aux fins du blanchiment de capitaux ou du financement du terrorisme, modifiant le règlement (UE) no 648/2012 du Parlement européen et du Conseil et abrogeant la directive 2005/60/CE du Parlement européen et du Conseil et la directive 2006/70/CE de la Commission.

[4] De 2014 à 2021, la Commission nationale des sanctions (CNS) a été saisie de 324 trois affaires portant sur des professionnels des secteurs de l’intermédiation immobilière et de la domiciliation.

[5] La Commission nationale des sanctions (CNS) pourrait également être saisie d’un dossier d’un professionnel de l’immobilier par le ministre de l’intérieur.

[6] Rapport d’activité 2021 de la Commission nationale des sanctions (CNS),

[7] Décision CNS n° 2014-06 du 4 mars 2015 et décision n° 2019-29 du 2 octobre 2020.

[8] Décision CNS n° 2017-52 du 27 juillet 2020.

[9] Décisions CNS n° 2015-15 du 21 mars 2016 ; n° 2015- 16 du 12 avril 2016 ; n° 2017-05 du 26 juillet 2017 ; n° 2017-04 du 23 août 2017 ; n° 2017-01 du 30 août 2017 ; n° 2017-16 du 15 novembre 2017, n° 2017-26 du 25 juillet 2018 et n° 2019- 40 du 11 mars 2020.

[10] Décision CNS n° 2015-15 du 21 mars 2016.

[11] Décision CNS n° 2019-73 du 7 décembre 2021.

[12] En ce sens, le professionnel de l’immobilier ne semble pas savoir trouver le bénéficiaire effectif d’une opération. Une formation et un accompagnent sur ce point semblent nécessaires.

[13] Décisions CNS n° 2015-16 du 12 avril 2016, n° 2017-01 du 30 août 2017 et n° 2018-37 du 11 mai 2020.

[14] Décisions CNS n° 2015-17 du 23 septembre 2015, n° 2015-34 du 10 mai 2017 et décision n° 2019-09 du 1er juillet 2020.

[15] Décisions CNS n° 2017-30 du 23 mai 2018, n° 2017-55 du 19 décembre 2018 et n° 2019-51 du 15 juillet 2020.

[16] Décisions CNS n° 2017-06 du 23 août 2017 ; n° 2017-16 du 15 novembre 2017 ; n° 2017-17 du 28 mars 2018 ; n° 2017-21 du 9 avril 2018, n° 2017-22 du 5 juin 2018 et n° 2019-63 du 14 janvier 2021.

[17] Décisions CNS n° 2016-15 du 14 février 2018, n° 2017-25 du 25 avril 2018, n° 2019-26 du 19 mars 2021 et n° 2019-70 du 12 novembre 2021.

[18] Rapport d’activité 2021 de la Commission des sanctions (CNS), page 28.

[19] Décisions CNS n° 2015-15 du 21 mars 2016 ; n° 2015-16 du 12 avril 2016 ; n° 2017-06 du 23 août 2017 ; n° 2017-01 du 30 août 2017 ; n° 2016-16 du 25 octobre 2017 ; n° 2017-25 du 25 avril 2018 ; n° 2017-30 du 23 mai 2018, n° 2017-10 du 5 sep- tembre 2018 et n° 2019-61 du 30 décembre 2020.

[20] Décision CNS n° 2014- 05 du 18 février 2015, décision n° 2019-43 du 26 octobre 2020, n° 2019-66 du 1er avril 2021 et n° 2019-59 du 20 octobre 2021.

[21] Décision CNS n° 2015-15 du 21 mars 2016.

[22] Décision CNS n° 2014-06 du 4 mars 2015.

[23] Décision CNS n° 2015-15 du 21 mars 2016.

[24] Décisions CNS n° 2015-07 du 16 septembre 2015 ; n° 2015-23 du 24 février 2016, n° 2017-12 du 19 septembre 2018 et n° 2018-35 du 11 mai 2020.

[25] Décision CNS n° 2016-09 du 14 juin 2017.

[26] Décision n° 2019-41 du 23 décembre 2020.

[27] Décisions CNS n° 2015- 15 du 21 mars 2016 ; n° 2015-16 du 12 avril 2016, n° 2017-04 du 23 août 2017 et n° 2019-48 du 6 octobre 2020.

[28] Décision CNS n° 2017-30 du 23 mai 2018.

[29] Idem

[30] Article R. 561-47 du Code monétaire et financier et article R. 561-48 du Code monétaire et financier.

[31] TA GUADELOUPE, 1er ch., 30 décembre 2021, n°1900463.

[32] Article L.561-40 du Code monétaire et financier..

[33] Décisions n° 2015-15 du 21 mars 2016 ; n° 2016-05 du 26 juillet 2017 ; n° 2017-08 du 6 décembre 2017 ; n° 2016-12 du 20 décembre 2017 et n° 2017-15 du 7 février 2018.

[34] Décisions CNS n° 2016-03 du 26 juillet 2017 ; n° 2016-05 du 28 juillet 2017 ; n° 2017-04 du 23 août 2017 ; n° 2017-07 du 30 août 2017 ; n° 2016-11 du 20 décembre 2017 et n° 2017-24 du 28 mars 2018.

[35] Suivant le rapport d’activité 2021 de la Commission nationale des sanctions (CNS), p.23 : « Le premier acte de mise en conformité est de dresser la cartographie des risques adaptée à sa propre activité, et de mettre en place un protocole d’évaluation et de gestion de ces risques porté à la connaissance et appliqué par les collaborateurs ».

[36] Décisions n° 2017-15 du 7 février 2018 ; n° 2017-30 du 23 mai 2018 et n° 2017-10 du 5 septembre 2018).

[37]Loi du 10 août 2018 pour un État au service d'une société de confiance dite « loi ESSOC ».